Qu’est-ce que le microbiote intestinal ?

Il existe plusieurs microbiotes (peau, bouche, vagin, digestif, etc.). Le plus important d’entre eux est le microbiote intestinal (anciennement flore intestinale) celui-ci est composé de micro-organismes (bactéries, virus, parasites, champignons, etc.) majoritairement non-pathogènes. Ces derniers sont répartis entre notre estomac (10 à 1’000 de bactéries par ml), notre intestin grêle (10’000 à 10 millions de bactéries par ml) et notre côlon (10 milliards à 10’000 milliards de bactéries par ml). La variété des bactéries dépend également du terrain. Par exemple, l’estomac plus acide et oxygéné n’hébergera pas les mêmes bactéries que le côlon non-oxygéné et alcalin (non acide)1.

Ce sont d’ailleurs ces conditions très particulières qui ont rendu pendant des années, très difficile l’étude de ces micro-organismes. Avec l’avancée de la science, on parvient de mieux en mieux à comprendre les interactions entre le microbiote et le reste de notre corps. On sait aujourd’hui son importance sur les fonctions digestives, métaboliques, immunitaires et neurologiques1.

En conséquence, la dysbiose, c’est-à-dire l’altération qualitative et/ou fonctionnelle du microbiote intestinal, est une piste sérieuse pour expliquer certaines maladies, notamment parmi celles sous-tendues par des mécanismes auto-immuns ou inflammatoires. Cette thématique est devenue centrale pour la recherche biologique et médicale1. (INSERM, Microbiote intestinal (flore intestinale), 18/10/2021)

L’empreinte « intestinale »

Il y a autant de microbiotes que de personnes. Tout comme l’empreinte digitale, le microbiote est propre à son porteur tant sur le plan quantitatif que qualitatif. On dénombre en moyenne 160 espèces de bactéries par individu sain et seulement la moitié de ces bactéries seront présentes chez une autre personne. Cependant, il y aurait une base commune à chaque individu représentant entre 15 à 20 espèces de bactéries qui répondent à des fonctions essentielles de l’organisme1.

Tout ce petit monde, vit en temps normal en symbiose, mais lorsqu’un déséquilibre survient, cela a des répercussions sur tout notre « écosystème interne ». 

Un écosystème semblable à notre planète

Cela peut être comparé à l’écosystème dans lequel nous vivons. Chaque espèce étant comparable à une espèce de bactérie, l’être humain étant clairement en surnombre, il engendre un déséquilibre de l’écosystème. D’autres espèces disparaissent et la diversité diminue. Ce déséquilibre rend notre terre malade, parallèlement notre corps est la « terre » (le terrain) pour nos hôtes, les bactéries.

Dans le parc national de Yellowstone aux Etats-Unis, la réintroduction d’un grand prédateur, le loup, a permis de rétablir tout un écosystème. En 1995, une meute de 30 individus a été réintroduite pour surveiller et étudier leur impact sur l’écosystème. Aujourd’hui, cette réintroduction sert d’exemple en termes de gestion des espaces naturels, notamment par ce que l’on appelle la « cascade trophique », il s’agit de la relation prédateurs/proies et des impacts en chaînes sur le reste de l’environnement (biomasse, abondance des espèces animales et végétales). Comme les cerfs n’avaient plus de prédateurs, ils proliféraient et détruisaient la flore, bien que des tentatives de régulation par l’homme aient été menées. C’est pourquoi, le loup fut réintroduit après 70 ans d’absence. Et c’est là qu’opère l’effet de la « cascade trophique », qui commence par le sommet de la chaîne alimentaire et qui « ruisselle » sur les espèces qui suivent la hiérarchie.

En résumé, l’arrivée du loup (prédateur) a permis de réguler la population de cerfs (proie). Le comportement des cerfs, plus craintifs, les a éloignés des endroits trop exposés aux loups, ce qui a permis à la végétation de se régénérer. Celle-ci a permis à des espèces d’oiseaux et aux castors de re-coloniser le parc. Ces derniers ont remodelé les milieux aquatiques, ce qui a, à son tour, permis le retour d’autres espèces (loutres, canards, rats, poissons, reptiles et batraciens). De plus, les loups ont régulé la population d’autres prédateurs, notamment du coyote présent en trop grand nombre. Ainsi, la population de petits rongeurs a pu augmenter, permettant à d’autres petits prédateurs de s’installer (renards, rapaces, belettes, etc.). Finalement, les carcasses délaissées par les loups ont permis le retour des corbeaux, des aigles ainsi que des ours qui ont également bénéficié de la diversification de la flore pour se nourrir de baies2.

Comment se forme notre microbiote ?

Le microbiote se constitue dès la naissance au contact de la flore vaginale et fécale en cas de naissance par voie basse et des micro-organismes ambiants pour les césariennes. Toutefois, le microbiote de la mère joue un rôle crucial pour le développement du fœtus. 

Ensuite, la colonisation se fait dans un ordre bien précis. D’abord les bactéries aérobiques (qui ont besoin d’oxygène pour proliférer) comme les entérocoques ou les staphylocoques. Celles-ci vont consommer l’oxygène présent dans l’intestin et permettre l’implantation de bactéries anaérobiques comme les Bacteroides, Clostridium, Bifidobacterium, etc.

C’est essentiellement durant les premières années de vie que nous façonnons notre capital microbiotique (quantité, qualité et diversité). Bien évidemment, la diversification alimentaire joue un rôle prépondérant, mais les gènes, l’hygiène, les traitements médicaux ou encore notre environnement sont autant de facteurs influençant la composition du microbiote. Une fois notre microbiote composé, celui-ci reste stable durant toute notre vie. 

Toutefois, certains événements peuvent altérer sur une période plus ou moins longue l’équilibre de notre flore, à commencer par les hormones sexuelles, les maladies, la modification de l’hygiène de vie, dont l’alimentation, etc. Les antibiotiques ont également un grand impact sur la qualité et la quantité. La « régénération » pouvant atteindre plusieurs semaines avant que les espèces présentes avant la prise du traitement se rétablissent. Or, on sait que des antibiothérapies répétées peuvent induire une évolution néfaste et durable. Le plus grand fléau pour notre microbiote, ce sont les doses répétées et sur ce point, les additifs et les pesticides consommés quotidiennement sont des véritables « bombes » pour notre microbiote1.

Quel est le rôle du microbiote intestinal ?

Comme il s’agit d’organisme vivant, nos bactéries doivent trouver de l’énergie pour fonctionner. C’est en se nourrissant de ce que nous mangeons, essentiellement des fibres alimentaires qu’elles y parviennent. D’où l’importance d’une alimentation saine et riche en fibres (souvent appelées prébiotiques qui sont la nourriture des bactéries). Ce sont donc les bactéries qui nous permettent la digestion des fibres.

Elles participent notamment à l’absorption et à l’assimilation de certains micronutriments (acides gras, magnésium, calcium, vitamines K, B9 et B12, etc.) grâce à des enzymes digestives dont notre corps est dépourvu. Il participe également à la dégradation de certains composés (xénobiotiques et cholestérol).

Elles contribuent aussi à la synthèse de la vitamine K, de certaines vitamines du groupe B et de trois acides aminés essentielles : leucine, isoleucine et valine (aussi connus dans le milieu sportif sous le nom de BCAA pour acides aminés à chaîne ramifiée).

Le rôle du microbiote dans l’éducation et le fonctionnement du système immunitaire est clairement établi. D’ailleurs, Escherichia coli, une bactérie avec une plutôt mauvaise réputation, permet de lutter contre la prolifération de bactérie pathogène par compétition de la colonisation du terrain et en produisant des substances bactéricides.

Certains pathogènes présents dans le microbiote sont impliqués dans le mécanisme d’inflammation. En effet, certaines bactéries contiennent des lipopolysaccharides (LPS) qui déclenchent une réaction immunitaire. Cette dernière induit la production de médiateurs pro-inflammatoires (cytokines). Cela provoque une inflammation locale qui va avoir pour effet d’augmenter la perméabilité intestinale. L’espacement des jonctions serrées de l’intestin permet aux LPS de traverser cette dernière pour se retrouver dans la circulation sanguine. Ces molécules pourront déclencher des inflammations sur d’autres tissus1.

Quelle sont les causes d’une dysbiose ?

Lorsqu’il y a un déséquilibre du microbiote, on parle de dysbiose. A noter qu’une candidose est une forme de dysbiose. Les causes peuvent être diverses et multifactorielles :

  • Mauvaise hygiène de vie (tabagisme, alcool, manque d’activité physique, etc.)
  • Mauvaise alimentation (qualité et diversification), notamment l’excès de sucre et la carence en fibre.
  • Additifs alimentaires
  • Prise chronique de médicament : antiacides (pour lutter contre les reflux), anti-inflammatoires, metformine (pour lutter contre le diabète de type 2), pilule contraceptive, etc.
  • Antibiotiques, ce sont des traitements « contre » (anti) la « vie » (biotique). Bien que très utile dans certains cas d’infection bactérienne, les dégâts collatéraux sont lourds de conséquences. En effet, comme ils transitent par l’intestin, ils ne se limitent pas à éliminer uniquement la bactérie ciblée, mais engendrent une altération du microbiote. Cela est particulièrement redoutable chez les enfants de moins de 3 ans pour lesquels le microbiote n’est pas encore mature. Cela peut causer des déséquilibres qui pourront, plus tard, déclencher des maladies et un risque accru d’obésité. Aujourd’hui, il est donc courant de prescrire des probiotiques spécialisés pendant et également après la prise d’antibiotique pour maintenir et restaurer l’équilibre du microbiote5.
  • Surpoids/obésité, on remarque une diversité microbienne fortement réduite chez les patients en surpoids en comparaison au microbiote de patients à corpulence normal.
  • Surentrainement, l’entraînement génère un stress pour le corps et acidifie le corps. Si le corps ne dispose pas de suffisamment de temps pour récupérer, cela peut engendrer la prolifération de bactéries propices à un environnement acide et donc créer une dysbiose.
  • Stress pour les mêmes raisons du surentrainement, mais également par le fait qu’en état de stress, nos envies se porteront plus sur des aliments sucrés (pour leur effet « réconfortant »). De plus, on mange généralement plus vite et plus en état de stress.
  • Maladie, la grippe et la Covid-19 induisent notamment un changement du microbiote intestinal. Une étude préliminaire laisse apparaître notamment une corrélation entre Covid long ou la sévérité des symptômes et une dysbiose6.

Quelles sont les symptômes ?

Les symptômes peuvent être très variés et dépendent fortement des individus : irritabilité, variation de poids, flatulences excessives, mauvaise haleine persistante, douleur intestinale, éructation, alternance diarrhée/constipation, éruption cutanée, maux de tête, cystite (surtout chez les femmes), infertilité (principalement chez les hommes), attirance pour certains types d’aliment notamment le sucre, insomnie, transpiration nocturne excessive, etc.

On peut affirmer que toutes les maladies ont un lien avec le microbiote, bien que le microbiote ne soit pas nécessairement à l’origine de toutes les maladies.

Pour diagnostiquer un déséquilibre de votre microbiote, différentes analyses peuvent être pratiquées : un prélèvement fécal (analyse des bactéries présentes dans les selles), un test hydrogène (analyse des gaz de votre souffle après ingestion d’une boisson sucrée, car certaines bactéries particulièrement dans l’intestin grêle, produisent des gaz) ou test urinaire (test aux acides organiques, car certaines bactéries produisent des acides que l’on peut retrouver dans l’urine). Dans certains cas une biopsie (prélèvement d’une partie du tube digestif peut être effectuée). Dans tous les cas, il convient de consulter votre médecin et de ne pas pratiquer d’automédication.

Quelques exemples de maladies directement liées au microbiote

Maladie Inflammatoire Chroniques de l’Intestin (MICI) et microbiote

Les MICI ont des origines génétiques, notamment le gène NOD2 dans la prévalence à la maladie de Crohn, et épigénétiques (facteurs environnementaux : alimentation, hygiène de vie, etc.). Ces maladies activent le système immunitaire dans l’intestin de manière inappropriée et exacerbée. Dans le cas des MICI (comme : la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique) on constate une amélioration des symptômes chez les patients sous traitement antibiotique ou suite à la mise en place d’une dérivation fécale. Il y aurait donc bien un lien entre le rôle du microbiote intestinale et l’équilibre des réponses immunitaires. De plus, on relève des dysbioses chez les patients souffrant de MICI, notamment avec l’augmentation de certaines bactéries pro-inflammatoires1.

Dépression et trouble de l’humeur

Des chercheurs ont découvert, dans un modèle animal, que le stress chronique engendrait une modification du microbiote intestinal. Cette modification provoque une diminution de métabolites lipidiques (cannabinoïdes endogènes ou endocannabinoïdes) dans le sang et le cerveau. De plus, ils ont identifié certaines espèces bactériennes sous représentées chez les animaux présentant des troubles de l’humeur. En revanche, ils ont réussi à traiter ces troubles en restaurant, par un traitement oral, les bactéries déficientes. Une autre expérience leur a permis de montrer qu’un transfert de microbiote d’un animal avec trouble de l’humeur vers un animal sain permettait de déclencher un état dépressif chez ce dernier7.

Maladies neurodégénératives (Alzheimer et Parkinson)

« Une corrélation existe entre un déséquilibre du microbiote intestinal et le développement des plaques amyloïdes dans le cerveau humain. Elles sont à l’origine des troubles neurodégénératifs caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. Des protéines produites par certaines bactéries intestinales, identifiées dans le sang des malades, pourraient en effet modifier l’interaction entre le système immunitaire et le système nerveux et déclencher la maladie. » Communiqué de presse par le HUG datant du 16 novembre 2020

Dans le cas de Parkinson, les résultats sont similaires. Le dysfonctionnement gastro-intestinal, en particulier la constipation, est un symptôme non moteur qui précède souvent l’apparition des symptômes moteurs de plusieurs années. On observe une dysbiose intestinale chez les patients. Notamment par l’abondance ou le déficit de certaines bactéries. De plus, le degré de sévérité de cette maladie dépend de ces différences bactériennes8.

Maladies cardio- et cérébrovasculaires (athérosclérose, hypertension, AVC, etc.) et cardiométaboliques (diabète, obésité)

Ces maladies ont une origine multifactorielle : génétique, nutritionnelle et environnementale. Nous savons, aujourd’hui, que le microbiote intestinal joue un rôle dans ces maladies. Comme pour la dépression décrite plus haute, l’implantation d’un microbiote d’une souris obèse chez une souris de corpulence normale déclenche une prise de poids importante et rapide chez cette dernière. De plus, la prise d’antibiotiques au long cours peut avoir une incidence sur le risque de développer une maladie cardiovasculaire1.

Cancers

Une dysbiose est un facteur de risque pour le développement ou la progression de certains cancers. C’est notamment le cas avec Helicobacter pylori, une bactérie qui augmente le risque de survenue des cancers gastriques. Les dysbioses engendrées par la prise fréquente d’antibiotique augmente le risque de cancer du sein chez les femmes. On retrouve également certaines bactéries directement dans les tumeurs. Finalement, un déséquilibre du microbiote favoriserait la survie de certains cancers1.

Quels sont les traitements ?

Antibiotiques

Les antibiotiques sont encore très utilisés de nos jours pour traiter les troubles gastro-intestinaux (ou autres) liés à une infection bactérienne. Le problème de ces traitements, c’est que l’on ne cible pas uniquement la bactérie problématique, mais l’ensemble des micro-organismes. Ainsi, c’est tout le microbiote qui est « attaqué ». A force d’exposer certaines bactéries aux antibiotiques, elles deviennent résistantes à ces derniers (antibiorésistance). Bien que les antibiotiques soient très efficaces dans des cas d’urgence, ils ne sont pas anodins. Une prise régulière ou trop rapprochée ne permet pas au microbiote de se « réparer », ce qui engendre une dysbiose. Aujourd’hui, les antibiotiques ne doivent plus être le seul traitement, car leur efficacité est en baisse notamment à cause de la surexposition qui engendre une antibiorésistance. En effet, même inconsciemment, nous y sommes exposés de manière très fréquente, car les animaux d’élevage sont sous antibiotiques (parfois même de manière préventive). Or, ces antibiotiques se retrouvent dans la viande que nous consommons. Il est urgent de trouver de nouvelles solutions.

Probiotiques

Les probiotiques sont des micro-organismes naturellement présents dans notre intestin. Une supplémentation en probiotique permet d’agir sur la composition du microbiote. La recherche dans le domaine est encore à ces débuts, mais on commence à découvrir les interactions de certaines bactéries dans diverses pathologie (par exemple pour les MICI ou encore la dépression, voir plus haut). Ainsi, on pourra notamment compter sur les probiotiques pour contribuer à rétablir un équilibre microbien dans nos intestins et/ou traiter certaines maladies.

Postbiotiques

Des études se focalisent actuellement sur les métabolites (résultat de la transformation biochimique d’une molécule) produits par le microbiote. Les déséquilibres microbiens sont souvent une cause primaire ou secondaire à une maladie. Aujourd’hui, on fait de plus en plus appel à la métabolomique (analyse des métabolites) pour comprendre les relations entre déséquilibre microbien et maladie. Les découvertes dans ce domaine élargissent le champ des thérapies notamment avec les postbiotiques, qui consistent à apporter directement à l’organisme des métabolites bénéfiques, habituellement produits par les micro-organismes intestinaux1.

La transplantation du microbiote fécal (TMF)

Bien que peu charmeur, ce traitement est pour l’instant autorisé pour les infections récidivantes à Clostridium difficile (une bactérie très résistante même aux antibiotiques provoquant des diarrhées et des colites) avec un taux de succès supérieur à 90% après deux TMF. Le traitement consiste à transplanter une préparation de matière fécale d’un patient sain directement dans le tube digestif, soit avec une sonde nasale, soit par le rectum du patient malade3.

Des essais de traitement, notamment pour les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) sont en cours, bien que les premiers résultats soient plutôt mitigés, car d’autres facteurs intrinsèques à l’hôte sont impliqués dans ces maladies. D’ailleurs, d’autres voies de recherche sont également ouvertes pour le traitement de maladie neuropsychiatrique, l’autisme ou encore l’insulino-résistance3.

En Suisse, le problème de l’appauvrissement du microbiote est pris au sérieux, un projet en phase pilote « Microbiota vault » (coffre-fort du microbiote) récolte des échantillons du monde entier pour conserver, préserver et développer des médicaments à partir du microbiote de personnes saines (pour plus d’information voire le site officiel : https://www.microbiotavault.org/ ou l’article de la RTS à ce sujet : https://www.rts.ch/info/sciences-tech/13778398-des-chercheurs-suisses-stockent-des-selles-pour-sauvegarder-le-microbiote-humain.html).

La phagothérapie

Les phages sont des virus qui infectent les bactéries et se trouvent également en grand nombre dans notre microbiote. Ils agissent directement sur les bactéries, leur patrimoine génétique et l’expression de ce dernier1. La phagothérapie est donc le traitement par des virus ciblant certaines bactéries. L’avancée thérapeutique dans ce domaine est encore à l’état embryonnaire, mais les recherches et étude du « virome » sont pourtant d’une importance majeure, car les antibiotiques ont montré leur limite et l’antibiorésistance rend certains traitements inefficaces. C’est déjà le cas dans les infections à Clostridium difficile (une bactérie très résistante même aux antibiotiques provoquant des diarrhées et des colites). Aujourd’hui, des pistes se tournent vers certains phages pour traiter cette bactérie4. Mais les recherches sont à leur début et il faudra encore du temps pour voir un traitement fiable constitué de virus.

L’alimentation, meilleure prévention !

En prenant soin de diversifier votre alimentation et de manger des produits bruts riches en micronutriments, vous contribuez à la diversité et à la bonne santé de votre microbiote. Une alimentation industrielle et ultra-transformée appauvrit votre microbiote.

Comme dit plus haut, une alimentation brute, riche en végétaux, avec de bonnes huiles végétales, variée, en privilégiant au maximum le bio et en minimisant les produits transformés ainsi que les additifs reste le moyen le plus efficace de prévenir les dysbioses.

Conclusion

Ce qui se passe dans notre ventre, doit nous amener à réfléchir à ce que nous provoquons sur notre planète. Notre manière de surconsommer à des impacts sur notre écosystème. L’élevage intensif détruit la diversité tout comme les monocultures à perte de vue appauvrissent et polluent les sols. La différence avec Yellowstone, c’est qu’ici le problème vient du sommet de la chaîne alimentaire et cette cascade trophique inversée aggrave le déséquilibre du « corps » (la terre) que nous partageons tous au lieu de le rétablir.

L’impact de ce que nous mangeons sur notre microbiote n’est plus à démontrer. Aujourd’hui, avec une alimentation trop peu variée et trop transformée, nous bousculons l’ordre et l’équilibre de nos hôtes qui nous sont essentiels. Depuis l’arrivée des produits chimiques (pesticides, additifs, etc.), nous confrontons nos bactéries à des éléments indigestes et néfastes pour elles. Cela, additionné à un mode de vie stressant, un manque de sommeil, etc. Tous les éléments sont réunis pour créer des dysbioses. 

L’avantage de l’homme en comparaison d’autres espèces, c’est qu’il est conscient des changements de son environnement. Il n’est pas nécessaire d’introduire un « grand » prédateur (bien qu’apparemment, nous serions plutôt la proie des petits organismes : virus, bactéries, etc.) pour réguler la population et notre comportement.

De ce constat, peut-on dire qu’une personne prenant soin de son microbiote, prend également soin de la planète ? Rétablir l’équilibre est possible, nous pouvons tous y contribuer en commençant par s’occuper de notre microbiote. Pour y parvenir, nous devrons changer certains comportements : se tourner vers une alimentation de meilleure qualité (bio et brute), plus diversifiée, moins transformée, etc. En opérant ces changements, on contribue ainsi à soutenir une production plus écologique (donc moins néfaste pour notre environnement), plus équitable qui soutient d’autres acteurs de la « chaîne alimentaire », etc. Sans compter tous les autres aspects liés à notre mode de vie, mais qui ont également un impact positif tant pour notre microbiote que pour la planète (se déplacer à pied, arrêter la cigarette, etc.). Vous l’aurez compris, en se préoccupant de notre santé, on fait de même pour notre hôte. 

Finalement, de la même manière que pour l’écosystème de notre planète, l’ennemi n’est pas l’homme ou la bactérie, mais le déséquilibre au sein de leur environnement qu’ils engendrent.

Références :

  1. Dossier réalisé en collaboration avec Dominique Gauguier (unité 1124, Centre universitaire des Saints Pères, Paris), Michel Neunlist (unité Inserm 1235, Institut des maladies de l’appareil digestif, Nantes) , Harry Sokol (unité Inserm 938, Centre de recherche Saint-Antoine, Paris) et Laurence Zitvogel (unité Inserm 1015, Institut Gustave-Roussy, Villejuif), INSERM, 18 oct. 2021, https://www.inserm.fr/dossier/microbiote-intestinal-flore-intestinale/
  2. Julien Hoffman pour ConsoGlobe, Le prodigieux impact de la réintroduction du loup à Yellowstone, 4 nov. 2018, https://www.consoglobe.com/impact-reintroduction-loup-yellowstone-cg
  3. Harry SOKOL, Transplantation fécale, 2018, https://www.fmcgastro.org/texte-postu/postu-2018-paris/transplantation-fecale/
  4. Joshua Heuler, Louis-Charles Fortier, and Xingmin Sun, Clostridioides difficile phage biology and application, 13 fév. 2021, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8498794/
  5. Anthony Berthou, Faut-il éviter le gluten ? Les protéines de lait ? Quels sont les rôles de l’écosystème intestinal sur la santé ?, 13 fév. 2014, https://www.sante-et-nutrition.com/gluten-lait-intestin/
  6. Silan Gu, Yanfei Chen, Zhengjie Wu, Yunbo Chen, Hainv Gao, Longxian Lv, Feifei Guo, Xuewu Zhang, Rui Luo, Chenjie Huang, Haifeng Lu, Beiwen Zheng, Jiaying Zhang, Ren Yan, Hua Zhang, Huiyong Jiang, Qiaomai Xu, Jing Guo, Yiwen Gong, Lingling Tang, Lanjuan Li, Alterations of the Gut Microbiota in Patients With Coronavirus Disease 2019 or H1N1 Influenza, 4 juin 2020, https://academic.oup.com/cid/article/71/10/2669/5851452?login=false
  7. Inserm (communiqué de presse), Le microbiote intestinal participe au fonctionnement du cerveau et à la régulation des humeurs, 11 déc. 2020, https://presse.inserm.fr/le-microbiote-intestinal-participe-au-fonctionnement-du-cerveau-et-a-la-regulation-des-humeurs/41755/
  8. Filip Scheperjans, Velma Aho, Pedro A. B. Pereira, Kaisa Koskinen, Lars Paulin, Eero Pekkonen, Elena Haapaniemi, Seppo Kaakkola, Johanna Eerola-Rautio, Marjatta Pohja, Esko Kinnunen, Kari Murros, Petri Auvinen, Gut microbiota are related to Parkinson’s disease and clinical phenotype, 5 déc. 2014, https://movementdisorders.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/mds.26069